Né le 21 juillet 1936 en Normandie, à Étrépagny (Eure), Michel Pinte découvre l’orgue à l’église de son village et à l’âge de 10 ans tient déjà les claviers. Mais, c’est lors de ses études secondaires effectuées au collège Join-Lambert de Rouen, qu’il se passionne réellement pour cet instrument et en 1948, à 12 ans, commence à suppléer à l’orgue de la chapelle son premier professeur, Jules Lambert, également organiste de chœur de la cathédrale. Il accompagne alors des œuvres chantées par la maîtrise du collège, principalement des pages de Jules Haelling, ancien maître de chapelle de la cathédrale de Rouen. Admis au Conservatoire de cette ville, il poursuit sa formation musicale auprès de Marcel Lanquetuit qui aura un rôle déterminant dans sa vocation de musicien d’église. En 1956, il quitte Rouen et après un court séjour dans l’enseignement, il est appelé sous les drapeaux et envoyé en Algérie. Le poste d’organiste de la cathédrale Saint-Philippe d’Alger est vacant et, bien que militaire, il est nommé au grand-orgue Merklin et Kuhn (25 jeux). Il sera le dernier titulaire de cet instrument avant la décolonisation.
De retour à Paris après la fin de la guerre d’Algérie (juillet 1962), Michel Pinte reprend ses études musicales auprès d’Irène Baume-Psichari (piano), Yves Margat (écriture), ancien élève de Gabriel Fauré, et Henri Potiron (chant grégorien), maître de chapelle du Sacré-Cœur de Montmartre et professeur à l’Institut grégorien. À la Schola Cantorum, il suit également les cours d’orgue de Jean Langlais et en 1964 il obtient son diplôme de virtuosité en exécution et improvisation (jury présidé par André Marchal). À cette époque, en 1963 il est le suppléant de Jeanne Baud-Cayron à l’orgue de la chapelle du Sacré-Cœur de la Cité universitaire (boulevard Jourdan) et, de 1963 à 1965, de Raphaël Tambyeff à celui de Notre-Dame-de-Grâce de Passy (rue de l’Annonciation). Après deux années à l’orgue de chœur de la cathédrale Saint-Louis de Versailles, où il succède en 1964 à Geneviève Lesecq, il devient l’année suivante suppléant de Pierre Delpit, organiste de chœur de l’église Saint-Augustin à Paris. En 1968, lors du départ de celui-ci pour prendre l’orgue de Notre-Dame du Rosaire, il lui succède naturellement et est titularisé. Une dizaine d’années plus tard (1979), il est nommé adjoint de Suzanne Chaisemartin, titulaire du grand orgue (1868, Barker/Cavaillé-Coll-Mutin, 3 claviers et pédalier, 53 jeux) de cette même église, puis en 1990 co-titulaire.
Instrument relativement important, l’orgue de chœur Cavaillé-Coll-Mutin (1899) de Saint-Augustin, que Michel Pinte touche durant trois décennies, lui permet de « jouer la majeure partie du répertoire qui [lui] est accessible, en tous cas selon les critères définis par Vierne dans la préface de ses Pièces de fantaisies (« orgue moyen de deux claviers »), ainsi que l’intéressé nous écrivait lui-même en 1988, ajoutant ces quelques détails : « celui qui est à ma disposition a 32 registres sur 2 claviers et l’adjonction de 6 combinaisons ajustables lui confère un confort et une appréciable autonomie pour les casuels et messes courantes ; refait par Gonzalez il y a plus de 10 ans [1973], revu par Dargassies il y a peu de temps, il donne toute satisfaction ». À son départ en retraite en juin 1997, son poste est supprimé et ses fonctions assurées par les deux nouveaux co-titulaires du grand orgue, Didier Marty et Christophe Martin-Maëder, nommés (septembre 1997) à la suite de son départ et de celui de Suzanne Chaisemartin (août 1997), partie également en retraite.
Son diplôme de virtuosité et ses cours de perfectionnement suivis plus tard (1974) auprès de Marie-Madeleine Duruflé-Chevalier, de Marie-Louise Girod, et enfin de Suzanne Chaisemartin plus particulièrement pour l’improvisation, permettent à Michel Pinte de mener une carrière d’organiste concertiste « pour son travail personnel et son plaisir », parallèlement à ses fonctions d’organiste liturgique à Saint-Augustin. C’est ainsi qu’il donne des concerts en province, notamment à Marseille, Angoulême, Reims, Rouen, Antibes, Autun…, mais, jugeant lui-même que « la carrière musicale étant spécialement en France complètement saturée ou difficile », c’est à l’étranger qu’il se produit le plus souvent, principalement aux USA : New York, Chicago, Washington, Boston, Detroit, San Francisco, Minneapolis, Rochester, Salt Lake City… Cultivant de préférence un répertoire romantique, symphonique et moderne, sans négliger pour autant les pages essentielles du répertoire classique, il sait conclure habilement ses récitals par une improvisation qui obtiennent toujours un vif succès : en 1986, à Saint-Maclou de Rouen, « sur un thème donné par Pierre Labric, Michel Pinte réalise une improvisation d’un style ouvert, brillant, une sorte de Prokofiev pour une « Chevauchée fantastique », comme une guerre des étoiles dans le maelström de la toundra… Des images inouïes, du spectacle en profondeur » (R.B.). Un an auparavant, lors d’un concert le 3 juillet à l’orgue de la National City Christian Church de Washington D.C., H. Stein-Schneider rapporte dans le journal France Amérique : « l’improvisation sur un thème de Duruflé -dont la mort toute récente fut annoncée au cours d’une brève introduction- continuait cette pulsation rapide et le brio de Jeanne Demessieux [Te Deum], avec, en plus, des modes poétiques et plus calmes que le feu d’artifice précédent. L’imagination créatrice de Pinte, encore sous l’influence de la grande virtuose, transporta l’auditoire vers une joie spirituelle, parfaitement appropriée pour un sanctuaire rempli des sons de l’instrument royal de la plus haute qualité ». L’année suivante, se produisant à nouveau dans cette ville, mais cette fois à St John’s Church, l’église des Présidents, le même journaliste écrit « Michel Pinte termina le récital avec des variations sur un thème donné, qui fut en ce cas America the beautiful en hommage aux Américains présents. Dégageant le thème petit à petit dans une invention en cinq parties, Michel Pinte nous en dévoila toute la puissance en une finale éblouissante ». Et le quotidien Les Dépêches du 11 août 1987 d’écrire, dans le compte-rendu de son récital au château de Lessay (Côtes-d’Or), sur un orgue Allen à trois claviers et pédalier rayonnant : « Clou de la soirée : l’improvisation finale, sur un thème donné par M. Gérard de la Hausse. Étant donné la personnalité de ce directeur d’École de musique de l’Ile Maurice, on s’attendait au Salve Regina. C’est Cadet Roussel qui sortit ! […] Ce fut le début d’une belle débauche de créativité et de technique. Le début témoigna quelque peu de l’influence de Paul Dukas de l’Apprenti sorcier qui fut le maître de Jean Langlais, lui-même grand orchestrateur, avec lequel Michel Pinte travailla à la Schola Cantorum. Ceci pouvant expliquer cela… Travail de dentelle autour du thème central, utilisation très large de tout l’éventail des jeux, l’improvisation alla crescendo dans la difficulté et le volume sonore, jusqu’à devenir quelque chose d’énorme et de grandiose dans le sublime. Le témoin d’une aisance parfaite et du bonheur d’un artiste accumulant à plaisir difficultés techniques et subtilités harmoniques avec une maestria… forcément diabolique ! Décontraction suprême d’un artiste qui finit sa prestation en applaudissant l’orgue : petite touche d’humour dont Pinte ne se départit jamais. Révélateur d’un parti pris de liberté qui fait fi des querelles d’école (choix de l’orgue, toucher, etc…) Pinte non-conformiste ? Peut-être ! Pour notre plus grand bonheur à tous ». (Corinne Dauron).
En 1997, Michel Pinte s’installe en Espagne, à Marbella (Malaga) et, bien que retraité poursuit sa carrière d’organiste concertiste. Si les USA, l’Allemagne, l’Italie et Malte l’accueillent pour quelques concerts, ainsi que la France (22 juillet 2003 : hommage à Eugène Gigout à la cathédrale de Bourges, 14 octobre 2006 : 10e Festival Toulouse les Orgues, œuvres de Bach à la basilique St-Sernin, 15 octobre 2006 : St-Nicolas-du-Chardonnet à Paris…), c’est principalement en Espagne qu’on le voit se produire, notamment en 1999 à la Semaine internationale d’orgue de Grenade, l’année suivante à celle de Madrid, en 2004 au Festival de Leon (la Baneza), en 2005 à la cathédrale de Malaga et l’année d’après à celle de Barcelone. Durant l’année 2007, il joue au Palais de la Musique de Valence, à la basilique de San Juan de Dios de Grenade, à la Cathédrale et à l’église du Salvador de cette même ville, ainsi qu’en Lettonie à la Cathédrale de Riga. En 2008, il donne un concert le 29 février à Marbella (iglesia de la Encarnacion) avec des œuvres de Boély (Fantaisie et fugue en mi bémol), J.L. Krebs (Trio sur le choral « Mein Gott das Herze bring ich dir »), G. Bélier (Toccata de 1912), Flor Peters (Choral en trio « How lovely shines the morning star »), Guilmant (Sonate n° 3 en ut mineur, op. 56), Widor (Pastorale de la 2e Symphonie, op. 13, n° 2), A.G. Ritter (Sonate n° 3 en la mineur, op. 24) et en final, une improvisation. Son ultime récital a lieu le 18 mars en la Cathédrale Santa Maria de Caceres avec ce programme : Prélude n° 2 en sol mineur de Haendel, Trio BWV 585 et Fugue en sol mineur BWV 542 de J.S. Bach, Praeludium de la 20e Sonate, op. 196, de J. Rheinberger, Attende Domine n° 3 (des 12 Chorals préludes, op. 8) de Jeanne Demessieux, Toccata de 1912 de G. Bélier, Sonate n° 3, op. 56, de Guilmant, Final de la 6e Symphonie, op. 42, de Widor, et une improvisation sur un thème marial. Depuis 2005, il accompagnait la messe tous les samedis soir, sur un orgue numérique Johannus à 3 claviers, à l’église Nuestra del Carmen d’Estepona, ce qui lui avait valu d’être nommé « organiste honoraire » par le Curé de cette paroisse.
Médaille de vermeil de la Ville de Paris, médaille d’argent du Mérite Diocésain, Michel Pinte s’est éteint dans sa soixante-treizième année et a été inhumé le 28 octobre 2008 dans le petit cimetière de Doudeauville-en-Vexin (Eure), situé non loin d’Étrépagny.
Denis Havard de la Montagne
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(avec son aimable autorisation)